Pont de Chinvat

Pont de CHINVAT, le « passage » ou « pont du séparateur » ou de la « décision » — le sens n’est pas certain — est, dans la tradition zoroastrienne, un pont mythique que les âmes doivent traverser pour aller au Paradis. Ils ne réussissent à le traverser que s’ils sont des âmes de l’asha-van, c’est-à-dire des fidèles adeptes de l’asha, de la vérité et de l’ordre (Védique, ñta), le principe fondamental de la religion indo-iranienne. S’ils sont des âmes du dregvant, c’est-à-dire des adeptes du druj (mensonge), ils tomberont du pont, qui pour eux se rétrécira au fil du rasoir, et ils résideront pour toujours en Enfer. En effet, le pont de Chinvat s’étend sur les abysses infernales. L’une de ses extrémités se trouve sur le sommet du mont Harā, également connu sous le nom d’Alburz ou Harā Berez (« haut Harā ») — une montagne mythique qui figure de manière importante dans les conceptions cosmologiques indo-iraniennes; l’autre extrémité atteint le Paradis (garōdman), dans lequel l’âme de l’ashavan entrera après être passée par la « Région du Mixte » (hamistagān), puis par les salles de la Bonne Pensée, de la Bonne Parole et de la Bonne Action.

En attendant l’âme sur le pont de Chinvat se trouve un tribunal divin composé des divinités Mithra, Sraosha (« discipline ») et Rashnu (« le juge »), assisté par Arshtāt (« justice »). C’est alors que l’âme affronte son propre moi intérieur, son daēnā, la somme de ses pensées, de ses paroles et de ses actes. Le daēnā peut prendre la forme d’une magnifique jeune fille ou d’une horrible sorcière, selon les cas individuels. Il sert de psychopompe pour le reste du voyage, accompagnant l’âme de l’ashavan au paradis, où elle est reçue par Vohu Manah (« bonne pensée »), l’un des Amesha Spentas, ou immortels bienfaisants, et réconfortée pour l’épreuve difficile et douloureuse qu’elle a vécue lors de sa séparation du corps.

Ce scénario est très ancien : le pont de Chinvat et le daēnā sont tous deux mentionnés dans les Gāthās. De nombreux aspects de cette croyance — en particulier celle du pont – rappellent les conceptions d’autres traditions religieuses, surtout celles de la variété chamaniste.

Passage vers l’au-delà, le pont de Chinvat peut également être considéré comme le chemin de l’âme vers le ciel lors d’une expérience extatique (Nyberg, 1938). Il figure ainsi non seulement dans les conceptions de l’au-delà, mais aussi dans les transports religieux qui se produisent lors des initiations, analogues à la mort.

Bibliographie

Boyce, Mary. Une histoire du zoroastrisme, vol. 1. Leiden, 1975.

Corbin, Henry. Terre céleste et corps de résurrection. Paris, 1961.

Eliade, Mircea. Chamanisme : Techniques archaïques d’Extase. Rév.& enl. Ed. New York, 1964.

Gnoli, Gherardo.  » Ašavan: Contribution au studio du livre d’Ardā Wirāz. » In Iranica, édité par Gherardo Gnoli et Adriano V. Rossi, pp. 387-452. Naples, 1979.

Kellens, Jean.  » Yima et la mort. » Dans les langues et les cultures. Études en l’honneur d’Edgar C. Polomé, sous la direction de M. A. Jazayery et W. Winter, pp. 329-334. Berlin – New York – Amsterdam, 1988.

Lommel, Herman. La Religion de Zarathoustra représenté selon L’Avesta. Tübingen, 1930.

Molé, Marijan. « Daēnā, le pont Činvat et l’initiation dans le Mazdéisme. »Revue de l’histoire des religions 158 (1960): 155-185.

Nyberg, H. S. Les Religions de L’Iran Antique. Leipzig, 1938.

Pavry, J. D. C. the Zoroastrian Doctrine of a Future Life. New York, 1926.

Widengren, Geo. État et missions de l’histoire religieuse iranienne. Leiden, 1955.

Widengren, Geo. Les religions de l’Iran. Paris, 1968.

Gherardo Gnoli (1987)

Traduit de l’italien par Roger DeGaris

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.