RÉSUMÉ
Les fluoroquinolones, des antibiotiques qui causent des dommages à l’ADN en inhibant les topoisomérases de l’ADN, sont cliniquement importants, mais leur mécanisme d’action n’est pas encore entièrement compris. En particulier, la réponse dynamique des cellules bactériennes à l’exposition aux fluoroquinolones n’a guère été étudiée, bien que la réponse SOS, déclenchée par des dommages à l’ADN, soit souvent considérée comme jouant un rôle clé. Ici, nous avons étudié l’inhibition de la croissance de la bactérie Escherichia coli par la fluoroquinolone ciprofloxacine à de faibles concentrations. Nous avons mesuré la réponse dynamique à long et à court terme du taux de croissance et du taux de production d’ADN à la ciprofloxacine à la fois au niveau de la population et au niveau d’une cellule. Nous montrons que, malgré la complexité moléculaire du métabolisme de l’ADN, un modèle simple de blocage et de destruction de la route se concentrant sur le blocage de la fourche de réplication et les dommages à l’ADN par la topoisomérase II (gyrase) de l’ADN empoisonné par la ciprofloxacine reproduit quantitativement les taux de croissance à long terme en présence de ciprofloxacine. Le modèle prédit également des changements dynamiques du taux de production d’ADN chez E. coli de type sauvage et chez un mutant déficient en recombinaison à la suite d’une augmentation de la ciprofloxacine. Nos travaux mettent en évidence que les cellules bactériennes présentent une réponse retardée du taux de croissance après une exposition aux fluoroquinolones. Plus important encore, notre modèle explique pourquoi la réponse est retardée: il faut beaucoup de temps de doublement pour fragmenter suffisamment l’ADN pour inhiber l’expression des gènes. Nous montrons également que la réponse dynamique est contrôlée par l’échelle de temps de la réplication de l’ADN et de la liaison / dissociation de la gyrase à l’ADN plutôt que par la réponse SOS, remettant en question le point de vue accepté. Nos travaux soulignent l’importance d’inclure des processus biophysiques détaillés dans les modèles de systèmes biochimiques pour prédire quantitativement la réponse bactérienne aux antibiotiques.