Risques systématiques des gouttes ophtalmiques au chloramphénicol | Anne Marie

Un article récent a critiqué l’utilisation d’antibiotiques topiques pour la conjonctivite infectieuse aiguë,1 avec laquelle je serais tout à fait d’accord. Cependant, il n’a pas été fait mention d’une contre-indication importante aux gouttes ophtalmiques au chloramphénicol: le risque de complications systématiques de l’absorption dans la circulation générale du médicament par les muqueuses conjonctivale, nasale et naso-pharyngée. Cela serait de toute façon attendu pour des raisons logiques évidentes. En effet, il faut toujours considérer les effets systématiques possibles de toutes les applications topiques, en particulier chez les enfants, les femmes enceintes et allaitantes. Bien entendu, le chloramphénicol est très rarement utilisé systématiquement en raison du risque de toxicité.

À la suite d’un article précédent2, j’ai examiné en détail les preuves de toxicité systématique des gouttes ophtalmiques au chloramphénicol.3 Un autre rapport très intéressant a récemment été publié concernant un patient souffrant d’hépatite aiguë probablement due à ces gouttes oculaires: les auteurs mentionnent également une notification au Comité de sécurité des médicaments de deux cas possibles d’hépatite associée au chloramphénicol, dont l’un résultait de gouttes oculaires chez un nourrisson.4

Ma pratique clinique a consisté à prescrire l’antiseptique brolène (iséthionate de propamidine), le constituant actif des gouttes pour les yeux dorés et de la pommade, en forte préférence à tous les antibiotiques, en particulier bien sûr le chloramphénicol.

Un autre argument fondamental contre les gouttes ophtalmiques antibiotiques est que la plupart des cas de conjonctivite, en particulier chez les enfants, sont dus à l’adénovirus insusceptible,5 l’explication probable de l’effet très faible et insignifiant sur le plan thérapeutique des gouttes ophtalmiques au chloramphénicol dans la « conjonctivite infectieuse aiguë ».2,6

Les auteurs critiquent également à juste titre la décision assez étonnante et déplorable (mes mots) prise en juin 2005 par l’Agence britannique de réglementation des médicaments et des produits de santé d’autoriser la vente « en vente libre » sans ordonnance de gouttes ophtalmiques au chloramphénicol.7

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