Jean-Claude Ledoux

Madame du Barry, pour qui Ledoux a conçu un Pavillon de musique dans son Château de Louveciennes, va utiliser son influence pour faire avancer sa carrière

Sa réputation établie, Ledoux entame une période de créations encore plus ambitieuses. L’Hôtel de Montmorency sur la Chaussée d’Antin date de cette époque. Il a une façade principale dans l’ordre ionique au-dessus d’un rez-de-chaussée rustique. Des statues de membres illustres de la famille Montmorency ornent le toit. Cependant, l’épuisement de la fortune Montmorency obligea Ledoux à exécuter le projet avec une certaine parcimonie.

Ledoux s’intéressait aux travaux du Département des Administrations royales et envisageait parfois de travailler pour elles, même si les postes qu’elles offraient étaient souvent à la limite entre architecte et ingénieur. Grâce à cet intérêt pour l’architecture municipale et municipale et en grande partie grâce à l’influence notoire de Madame du Barry, Ledoux est chargé de la modernisation des Salines de l’Est. La modernisation a été initiée suite à la construction du canal de Bourgogne. En 1771, Ledoux fut promu inspecteur des salines de Franche-Comté, titre qu’il occupa jusqu’en 1790, fonction qui lui rapporta un salaire annuel de 6000#.

Les Salines Royales d’Arc-et-Senans (1775-1778) Modifier

Vue en plan des installations

Au 18ème siècle, le sel était une denrée essentielle et précieuse. L’impopulaire taxe sur le sel, connue sous le nom de gabelle, était perçue par la Ferme Générale. Le sel constituait une source de revenus précieuse pour le roi de France. En Franche-Comté, en raison des veines souterraines d’halite, le sel était extrait des puits salins par vaporisation dans des fours à bois.

À Salins-les-Bains ou à Montmorot, les chaudières des salines étaient construites à proximité des puits, et le bois était amené des forêts adjacentes. Contrairement à ce que voulait le gouvernement français, Ledoux a placé les salines près des bois par opposition à la source de l’eau salée. Il a logiquement estimé qu’il serait plus facile de transporter de l’eau que du bois. À proximité du premier de ces sites, les Fermiers Généraux ont décidé d’explorer une méthode d’extraction plus mécanisée et plus efficace, en construisant une usine à cet effet près de la forêt de Chaux, dans le Val d’Amour. L’eau salée devait être amenée à l’usine par un canal nouvellement construit.

La conception, qui a reçu l’approbation royale, des Salines Royales d’Arc-et-Senans, ou Salines de Chaux, est considérée comme le chef-d’œuvre de Ledoux. Les premiers travaux de construction ont été conçus comme la première phase d’un projet vaste et grandiose pour une nouvelle ville idéale. La première (et, comme les choses devaient se passer, seulement) étape de construction a été construite entre 1775 et 1778. L’entrée se fait par un portique dorique massif, inspiré des temples de Paestum. L’alliance des colonnes est un motif archétypal du néoclassicisme. À l’intérieur, une salle caverneuse donne l’impression d’entrer dans une véritable mine de sel, décorée d’ornements en béton représentant les forces élémentaires de la nature et le génie organisateur de l’Homme, reflet des vues de la relation entre civilisation et nature approuvées par des philosophes du XVIIIe siècle comme Jean-Jacques Rousseau.

Les Salines Royales d’Arc-et-Senans: Maison du directeur

Le bâtiment d’entrée s’ouvre sur un vaste espace en plein air semi-circulaire qui est entouré de dix bâtiments, disposés sur l’arc d’un demi-cercle. Sur l’arc se trouve la forge du tonnelier, le moulin à forger et deux bothies pour les ouvriers. Sur le diamètre droit se trouvent les ateliers d’extraction du sel en alternance avec des bâtiments administratifs. Au centre se trouve la maison du directeur (illustrée), qui contenait à l’origine également une chapelle.

L’importance de ce plan est double: le cercle, figure parfaite, évoque l’harmonie de la ville idéale et enferme théoriquement un lieu d’harmonie pour le travail commun, mais il rappelle aussi les théories contemporaines d’organisation et de surveillance officielle, en particulier le Panoptique de Jeremy Bentham.

Les salines sont entrées dans une phase douloureuse de production industrielle et de profit marginal, en raison de la concurrence avec les marais salants. Après quelques essais peu rentables, il ferme indéfiniment en 1790 lors de l’instabilité nationale provoquée par la Révolution française. Ainsi s’est terminé le rêve de réussite d’une usine, conçue à la fois comme une résidence royale et une nouvelle ville.

Pendant une brève période dans les années 1920, les salines ont été réutilisées mais ont finalement fermé en raison de la concurrence. Pendant les décennies suivantes, les salines sont en ruine jusqu’à ce qu’elles soient classées au patrimoine mondial de l’UNESCO et rénovées en tant que centre culturel local.

Le théâtre de Besançon

Théâtre de Besançon, 1784

En 1784, Ledoux est l’architecte choisi pour concevoir un théâtre à Besançon, en Franche-Comté. L’extérieur du bâtiment a été conçu comme un cube palladien sévère, orné seulement d’un portique néoclassique presque grec de six colonnes ioniques. Cependant, si les allusions néoclassiques à l’extérieur étaient considérées comme modernes, l’intérieur était une révolution – les lieux de divertissement public étaient rares dans les provinces françaises, et là où ils existaient, il était traditionnel que seuls les nobles avaient des sièges, tandis que ceux de rang moins exulté se tenaient. Ledoux, réalisant que cela était non seulement gênant, mais élitiste, planifiait le théâtre de Besançon sur des lignes plus égalitaires avec des sièges pour tous, mais dans certains milieux, un tel plan était considéré comme radical sinon révolutionnaire, l’aristocratie n’avait pas envie d’être assise aux côtés des roturiers. Cependant Ledoux trouva un allié en l’intendant de Franche-Comté, Charles André de la Coré, un homme éclairé, il consentit à suivre ce projet de réforme. Malgré cela, il a été décidé que les classes sociales seraient toujours séparées ainsi alors que le théâtre de était le premier à avoir un amphithéâtre au rez-de-chaussée meublé de sièges pour le public payant ordinaire. Au-dessus d’eux se trouvait une terrasse ou un balcon surélevé pour les employeurs de l’État. Juste au-dessus se trouvait le premier niveau de boîtes réservées à l’aristocratie, et au-dessus un niveau de boîtes plus petites occupées par la classe moyenne, le second. C’est ainsi que Ledoux réalisa son ambition que le théâtre puisse à la fois être un lieu de communion sociale et de divertissement partagé tout en maintenant une stricte hiérarchie des classes.

Les sièges n’étaient pas la seule innovation du théâtre. Avec l’aide du machiniste Dart de Bosco, Ledoux a agrandi les ailes et l’appareil de décor de l’arrière-scène, lui donnant une plus grande profondeur que d’habitude, et de nombreuses autres améliorations modernes. Besançon fut le premier théâtre à projeter les musiciens dans une fosse d’orchestre. Le bâtiment a été largement acclamé lors de son ouverture en 1784, mais lorsque Ledoux a soumis des plans pour le nouveau théâtre proposé à Marseille, ils n’ont pas été acceptés.

En 1784, Ledoux est choisi au détriment de Pierre-Adrien Pâris pour la construction du nouvel hôtel de ville de Neufchâtel. S’en est suivi le projet spectaculaire qu’il a conçu pour le Palais de Justice et la prison d’Aix-en-Provence. Ce projet devait cependant être confronté à de nombreuses difficultés. Les ennuis commencent en 1789 lorsque la construction est interrompue par la Révolution française, alors que seuls les murs du rez-de-chaussée sont achevés

Architecture domestique et commercialemodifier

Ledoux était franc-maçon Ledoux participa, avec son ami William Beckford, à diverses cérémonies maçonniques à la Loge Féminine de la Candeur qui se réunissait dans la maison de ville qu’il avait construite pour Mme d’Espinchal, rue des Petites-Écuries.

Il était bien acquitté avec le monde de la finance et ceux qui l’habitaient. Il conçoit une grande maison et un parc pour Praudeau de Chemilly, trésorier des Maréchaussées, à Bourneville près de la Ferté-Milon. Une de ses maisons de ville les plus remarquables était pour la veuve du banquier genevois Thélusson. Cet hôtel particulier classique, lieu de la haute société parisienne, était situé au cœur d’un grand jardin paysager accessible depuis la rue de Provence. La maison possédait une immense porte-cochère en forme d’arc de triomphe à piliers. Le salon central circulaire, avait en son centre une colonnade qui soutenait le plafond.

Rue Saint-Georges, pour l’hébergeur créole, Ledoux a conçu un ensemble de logements à louer, conçus de telle manière qu’ils puissent à l’avenir être agrandis à l’infini. Dans la rue Saint-Lazare, autour d’un entrepôt commercial, il conçoit les jardins de Zéphyr et de Flore, illustrés par Hubert Robert.

Architecture pour la ferme généralemodifier

Rotonde de la Villette Place de Stalingrad, ancienne gare du Mur des Fermiers Généraux

Rotonde de Chartres (aujourd’hui: entrée du parc Monceau)

Au cours de son travail en Franche-Comté, Ledoux était devenu architecte de la ferme générale, pour laquelle il construisit un entrepôt de sel à Compiègne et entreprit de planifier leur vaste siège de la rue du Bouloi à Paris.

Charles Alexandre de Calonne, Contrôleur général des Finances, a obtenu sur une idée du chimiste et fermier général Antoine Lavoisier, de dresser une barrière autour de Paris pour limiter la contrebande et l’évasion des octrois, ou droits de douane internes: ce fameux Mur des Fermiers Généraux devait avoir six tours (une tous les 4 kilomètres) et comprendre soixante bureaux de perception des impôts. Ledoux fut chargé de concevoir ces bâtiments, qu’il baptisa pompeusement  » les Propylées de Paris  » et auxquels il voulut donner un caractère de solennité et de magnificence tout en mettant en pratique ses idées sur les liens nécessaires entre forme et fonction.

Pour couper court aux protestations de la population parisienne, l’opération se fait rapidement : une cinquantaine de barrières d’accès sont construites entre 1785 et 1788. La plupart ont été détruites au XIXe siècle et très peu subsistent aujourd’hui, dont celles de La Villette et de la place Denfert-Rochereau sont les seules qui n’ont pas été altérées au-delà de toute reconnaissance. Dans certains cas, l’entrée était encadrée de deux bâtiments identiques; dans d’autres, elle se composait d’un seul bâtiment. Les formes étaient archétypales : la rotonde (Tas, Reuilly) ; la rotonde surmontant une croix grecque (La Villette, Rapée) ; le cube à péristyle (Picpus) ; le temple grec (Gentilly, Courcelles) ; la colonne (le Trône). Sur la place de l’Étoile, les bâtiments, flanqués de colonnes alternant avec des éléments cubiques et cylindriques, évoquaient la Maison du directeur à Arc-et-Senans ; au Bureau des Bonshommes, une abside ouverte par un péristyle rappelait le pavillon de Madame du Barry et l’Hôtel de la Guimard. L’ordre employé était généralement le grec dorique. Ledoux a également utilisé plusieurs gaufrages rustiques.

Cette construction audacieuse a rencontré des critiques politiques, ainsi que des critiques esthétiques de l’architecte, accusés par des commentateurs tels que Jacques-Antoine Dulaure et Quatremère de Quincy de prendre des libertés excessives avec les anciens canons. Bachaumont dénonce un  » monument d’esclavage et de despotisme « . Dans son Tableau de Paris (1783), Louis-Sébastien Mercier stigmatise  » les antres du fisc métamorphosés en palais à colonnes « , et s’exclame :  » Ah ! Monsieur Ledoux, vous êtes un terrible architecte ! » (Ah! Monsieur Ledoux, vous êtes un terrible architecte). Ledoux, objet de scandale par ces opinions, est relevé de ses fonctions officielles en 1787 tandis que Jacques Necker, succédant à Calonne, désavoue toute l’entreprise.

Temps difficilemodifier

Portrait de Ledoux avec sa fille. 1782 – Musée Carnavalet.

Dans le même temps, les travaux sur les tribunaux d’Aix-en-Provence ont été suspendus et Ledoux a été accusé d’avoir impliqué le Trésor dans des dépenses inconsidérées. Lorsque la Révolution éclate, sa riche clientèle émigre ou périt sous la guillotine. Il voit sa carrière et ses projets s’arrêter alors qu’au même moment les premiers coups de pioche commencent à sonner sur le mur déjà désuet des fermiers généraux. Dès juin 1790, la Ferme générale avait pu installer ses employés dans les bâtiments par Ledoux, mais l’octroi fut supprimé en mai 1791, ce qui rendit les installations inutiles. Symbole de l’oppression fiscale, Ledoux, qui avait amassé une belle fortune, fut arrêté et jeté à la prison de La Force.

Il fait encore un projet d’école d’agriculture pour le duc de Duras, son compagnon de captivité. Peut-être l’intervention du peintre Jacques-Louis David, gendre de l’entrepreneur Pécoul, et considérablement enrichi dans la collection des octrois, l’a-t-il aidé à éviter la guillotine. Mais il a perdu sa fille préférée tandis que l’autre a intenté un procès contre lui.

Ledoux, finalement libéré, cesse de construire et tente de préparer la publication de son œuvre complète. Depuis 1773, il avait commencé à graver ses constructions et ses projets mais, en raison de l’évolution de son style, il ne cessait de retoucher ses dessins, et les graveurs devaient constamment refaire leurs planches. Ledoux évolue vers une architecture toujours plus détaillée et colossale, avec de vastes murs de plus en plus lisses, et des ouvertures de plus en plus rares. Les différences entre un dessin du Pavillon de Louveciennes tel qu’il fut le premier, réalisé par l’architecte britannique Sir William Chambers et la gravure publiée en 1804 illustrent ce procédé.

Pendant son emprisonnement, Ledoux avait commencé à écrire un texte pour accompagner les gravures. Seul le premier volume paraît de son vivant, en 1804, sous le titre L’Architecture considérée sous le rapport de l’art, des mœurs et de la législation. Il présentait le théâtre de Besançon, les salines d’Arc-et-Senans et la ville de Chaux.

Il meurt à Paris en 1806.

Utopiaismédit

A l’époque des salines royales, Ledoux formalise ses idées de conception innovantes pour un urbanisme et une architecture destinés à améliorer la société, d’une ville idéale chargée de symboles et de significations. Avec Étienne-Louis Boullée et son projet pour le Cénotaphe de Newton, il est considéré comme un précurseur des utopistes qui allaient suivre. Boullée et Ledoux ont eu une influence spécifique sur les architectes néo-grecs ultérieurs et en particulier Benjamin Henry Latrobe qui a transposé le style aux États-Unis pour l’architecture publique avec l’intention que l’esprit de l’ancienne démocratie athénienne soit repris par les bâtiments servant la nouvelle démocratie des États-Unis d’Amérique.

Après 1775, il présente à Turgot les premières esquisses de la ville de Chaux, centrées sur les salines royales. Le projet, constamment perfectionné mais jamais exécuté, a été gravé à partir de 1780. Les gravures, annoncées en 1784 et probablement toutes dessinées dès 1799, sont finalement publiées en 1804, dans le cadre de la première édition de son ouvrage L’Architecture considérée.

Utopiste radical de l’architecture, enseignant à l’École des Beaux-Arts, il crée un ordre architectonique singulier, une nouvelle colonne formée d’alternances de pierres cylindriques et cubiques superposées pour leur effet plastique. À cette époque, le goût revenait à l’antique, à la distinction et à l’examen, du goût pour le style « rustique ».

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